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Un foyer EVAM : lieu de passage, lieu de vie, lieu d’humanité

Dans les campagnes vaudoises ou les quartiers urbains, on passe parfois devant un bâtiment sans trop savoir ce qu’il abrite. Un foyer de l’EVAM ce n’est pas une simple adresse. C’est un lieu de transition pour celles et ceux qui ont dû tout quitter. Mais surtout, c’est un lieu d’humanité, tissé par les gestes du quotidien, les silences partagés et les mots qui franchissent les barrières culturelles. 

Elyse, bénévole depuis plus de dix ans, se souvient avec émotion de sa première activité :

« J’ai emmené trois mamans, avec leurs enfants, visiter un musée à Lausanne. Dans le bus, ces mères tentaient de passer inaperçues, elles se fondaient presque dans les parois du bus, comme si elles devaient s’excuser d’être là. Surtout passer inaperçues…mais leurs vaines tentatives les rendaient encore plus visibles. Les enfants, avec l’insouciance de leur âge, jouaient en s’encourageant de leurs petites mains. J’ai commencé à battre des mains avec eux… et une dame d’un certain âge, bien de chez nous, s’est jointe à nous, puis d’autres passagers encore. Ce jour-là, le bus s’est transformé en scène de joie. Fugace, dans le rétroviseur intérieur, j’ai capté le regard complice du chauffeur. A ce moment précis, j’ai su que le sens de mon action était situé à juste place, et depuis tout ce temps, je suis avec les bénéficiaires de l’EVAM. »

Ce petit moment suspendu révèle la magie discrète d’un foyer : c’est aussi un espace où la confiance peut doucement se reconstruire, pour les bénéficiaires, pour les gens qui sont autour.

Marc, intendant depuis deux décennies, est l’un des piliers de son foyer. Il connaît chaque tuyau, chaque serrure, chaque sourire, aussi.

« Mon rôle dépasse la technique. Il faut aimer les gens, et heureusement, j’aime les gens. Ils viennent de plus de trente pays. Certains sont chaleureux, d’autres vivent des détresses qui me poussent dans mes retranchements. Mais c’est mon job et j’aime mon job. Heureusement, on est une bonne équipe. Et on tient, ensemble. »

Ce sont souvent des hommes et des femmes comme Marc qui assurent, dans l’ombre, la stabilité du quotidien.

Yvette, arrivée en pleine crise ukrainienne, travaille à l’accueil. Trilingue, elle a d’abord été indispensable pour traduire, puis elle a élargi son rôle.

« J’ai ouvert une permanence sociale pour répondre aux questions simples des bénéficiaires. Cela décharge les assistant·e·s sociaux·ales et me permet d’être un relais humain. Aujourd’hui, notre foyer accueille des personnes venues de nombreux autres pays. Et je me sens pleinement à ma place. »

L’EVAM s’adapte, et les personnes qui y travaillent aussi. Leur réactivité est souvent le premier soulagement d’un parcours difficile.

Puis il y a Imane, arrivée enceinte et épuisée dans un foyer où elle ne connaissait personne.

« Je m’appelle Imane et je vis dans un foyer de l’EVAM depuis 15 mois exactement. Je me rappelle la première fois que je suis arrivée dans ce foyer. J’étais enceinte de ma dernière fille Yasmine et j’étais proche de l’accouchement. J’étais seule avec mes deux autres petites filles, et j’étais épuisée par le voyage depuis le centre fédéral jusqu’au siège de l’EVAM et depuis celui-ci jusqu’au foyer. Quand je suis arrivée, j’étais complètement perdue. J’ai levé les yeux je ne voyais que ce vieux bâtiment perdu nulle part. J’avais mille questions et j’avais déjà peur de comment j’allais me faire comprendre, de comment j’allais pouvoir exprimer mes besoins…si je serais entendue. Comme il était tard, un bénéficiaire qui était par-là, un jeune homme noir, m’a expliqué dans un Anglais que je comprends mal, vers quelle direction je devais aller pour m’annoncer. Mes filles avaient faim, avaient soif, mais elles ne pleuraient pas, heureusement. Elles avaient sans doute compris qu’il ne fallait pas en ajouter, elles se serraient contre moi. Je me suis dirigée vers l’endroit indiqué et avant que j’y arrive, un monsieur, j’apprendrais plus tard qu’il est surveillant, est spontanément sorti du bâtiment pour venir vers moi et il m’a saluée en arabe, ma langue ! Il m’a alors demandé avec une infinie douceur d’humanité si j’étais nouvelle et si je venais d’arriver. J’ai fondu. Je n’arrivais même plus à parler, car il me semblait précisément qu’à cet instant, je venais de rencontrer mon Malâk, mon ange. Il m’a tendu un mouchoir en papier et a porté mes bagages tout me disant qu’on allait s’occuper de moi et de mes filles. Selon ce que j’ai compris, notre arrivée n’était pas annoncée dans le foyer. Il nous a ensuite montré où s’assoir et il a pris le téléphone pour appeler l’intendant qui venait de partir à la fin de son service. Dans l’attente, notre Malâk a donné à manger à mes filles, des biscuits. Je pense bien qu’il a pris sur son propre pique-nique, car il a partagé aussi le thé de sa gourde. L’intendant est arrivé quelques minutes plus tard. Aujourd’hui je réalise ce qu’il faut de conscience professionnelle à cet homme qui avait terminé son service, qui rentrait sans doute fatigué voir sa propre famille et qui retourne au travail pour s’occuper de nous ! Encore aujourd’hui, je suis profondément reconnaissante de ce que ces deux hommes ont fait pour moi et pour mes filles. Même si la vie dans le foyer n’est pas toujours facile, et que j’attends depuis fort longtemps un appartement, la suite a été bien assurée depuis ce bon accueil. L’assistante sociale du foyer, informée est venue dès le lendemain dans ma chambre me proposer un rendez-vous et ensuite elle a informé les infirmières du foyer qui m’ont tout de suite prise en charge et aujourd’hui, grâce à Dieu, j’ai eu ma Yasmine qui est en bonne santé. J’y ai rencontré d’autres familles qui sont devenues des amies. Dans mes prières, je demande toujours à Dieu de préserver des gens comme ceux qui m’ont accueillie et se sont occupés de moi dans ce foyer, jusqu’à ce jour ».

Grâce au surveillant, puis à l’intendant revenu spécialement, à l’assistante sociale le lendemain, au réseau de santé partenaire, Imane a pu être suivie, soignée, écoutée. Aujourd’hui, elle élève ses trois filles dans ce foyer en attendant un logement plus stable. Mais elle n’oubliera jamais l’accueil qu’elle a reçu.

Ce sont ces histoires, ordinaires et pourtant extraordinaires, qui donnent vie aux foyers EVAM. Derrière chaque porte, il y a un monde. Une famille, une attente, un espoir. Des professionnels dévoués, des partenaires fiables, des bénévoles engagés, des bénéficiaires courageux. Ensemble, ils font exister dans le mot accueillir, ceux d’ouverture et de responsabilité.

N.B : Tous les prénoms utilisés dans le texte sont fictifs. 

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