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L’EVAM lance un projet novateur en faveur de l’intégration sociale et professionnelle des bénéficiaires d’un permis S

En réponse à la directive de la Confédération de novembre 2023, fixant comme objectif un taux d’emploi de 40 % des titulaires d’un permis S d’ici à fin 2024, et à la demande du Canton de Vaud, l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), en partenariat avec le Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme (BCI) et la Direction générale de l’emploi et du marché du travail (DGEM), a lancé un projet ambitieux en faveur de l’insertion socio-professionnelle des personnes concernées. La phase opérationnelle du projet, conçue dès décembre 2023, s’est déroulée du 1er mars au 31 août 2024. Elle visait à identifier de manière exhaustive les personnes détentrices d’un permis S dites « inactives » (sans emploi, scolarisation, formation, cours de français ou autre mesure d’intégration) et à leur proposer un accompagnement ciblé. Le projet s’adressait à environ 2 400 personnes âgées de 16 à 64 ans, présentes sur le territoire vaudois. Chaque situation individuelle a fait l’objet d’une analyse préalable, débouchant sur la convocation de 1 609 personnes à l’une des 199 séances d’information collective, suivies d’un entretien individuel. Ces échanges ont permis de dresser un bilan des compétences, des aspirations professionnelles et de la situation personnelle des bénéficiaires, en vue de les orienter vers les dispositifs les plus adaptés : cours de français, inscription à l’Office régional de placement (ORP), accompagnement par un job coach, participation à la mesure socio-professionnelle Horizon, ou encore mise en lien avec le tissu associatif local. Le projet a mobilisé une vingtaine de collaboratrices et collaborateurs de profils variés. La majorité d’entre eux étaient eux-mêmes titulaires d’un permis S, d’origine ukrainienne, et parlaient l’ukrainien, le russe et le français. Cette proximité linguistique et culturelle a permis d’assurer une médiation efficace et de renforcer la qualité des échanges. Ces professionnelles et professionnels ont ainsi joué un rôle de pont entre l’EVAM et les bénéficiaires, facilitant leur compréhension des démarches à entreprendre et instaurant un climat de confiance. Ce projet a marqué une étape significative dans la structuration de l’accompagnement socio-professionnel des personnes migrantes dites inactives, en particulier celles fuyant la guerre en Ukraine. Depuis sa conclusion, l’EVAM, en collaboration avec la DGEM, a intensifié ses efforts en orientant systématiquement les bénéficiaires d’un permis S vers l’ORP, une fois un niveau de français suffisant atteint. Dans la continuité du Plan S, un groupe intitulé « actions spécifiques » a été constitué en novembre 2024. Il a pour mission de poursuivre l’accompagnement individualisé des personnes concernées, en assurant un suivi régulier et un monitoring actif afin de prévenir les ruptures de parcours d’intégration.

Résultats du Plan S

Indicateurs généraux :

  • Bénéficiaires identifiés comme inactifs : 2 386
  • Bénéficiaires convoqués après analyse individuelle : 1 609
  • Bénéficiaires n’ayant pas répondu aux convocations : 397
  • Séances d’information collective organisées : 199

Orientations proposées (sur 981 personnes orientées) :

  • Cours de français : 773 bénéficiaires (79 %)
  • Suivi auprès d’un·e conseiller·ère en orientation : 84 bénéficiaires (9 %)
  • Mesures professionnelles (Horizon, ORP, job coaching) : 57 bénéficiaires (6 %)

Motifs principaux de non-orientation (sur 397 personnes) :

  • Incompatibilité avec le projet personnel : 131 personnes (33 %)
  • Raisons de santé : 74 personnes (19 %)
  • Indisponibilités familiales : 76 personnes (19 %)
Ce travail de fond a permis d’objectiver les freins à l’intégration, de proposer des accompagnements ciblés et d’identifier plus finement les besoins spécifiques des publics concernés.

Témoignages

Karina, bénéficiaire ayant participé au Plan S

Karina, une jeune femme ukrainienne de 23 ans originaire de la ville de Berdiansk, raconte son arrivée en Suisse en mars 2022. Elle poursuit son parcours et participe au Plan S en mars 2024, qui lui permet ensuite d’effectuer plusieurs stages et expériences afin d’enrichir ses compétences et apprendre le français :

« En mars 2024, j’ai participé à la séance collective et à la séance individuelle à Bussigny. Ça m’a beaucoup aidé, car sur place, une collaboratrice de l’EVAM a posé des questions pour choisir mon chemin. Finalement, on m’a donné la possibilité de participer au programme Horizon (programme d’insertion socio-professionnelle visant à favoriser l’accès à la formation ou le retour en emploi).

Mon coach m’a aidé à faire mon CV et ma lettre de motivation. Les cours de français m’ont aussi été attribués et on a trouvé différents stages pour mieux comprendre quel métier choisir. Les collaborateur ·trices posaient pas mal de questions, pour trouver un programme d’activité qui me va et ça a marché. On a parlé en ukrainien, grâce à cela j’ai pu donner toutes les informations et j’ai pu m’exprimer librement.

En avril, presque un mois après la séance individuelle, j’ai pu commencer le programme Horizon pour 6 mois. En octobre, j’ai pu renouveler pour 6 mois supplémentaires. Le Plan S, ça m’a beaucoup plu, ça a changé ma situation. Je ne savais pas quoi et comment faire. J’avais l’idée de m’inscrire à l’ORP. Avec le programme Horizon, j’ai aussi eu des séances d’information sur le marché du travail en Suisse. Grâce à ce programme, j’ai plus d’idées pour des hobbies et des stages. Je ne reste pas enfermée chez moi, je bouge pas mal donc je trouve que c’est très bien pour moi. »

Nikolay, bénéficiaire ayant participé au Plan S

Nikolay est venu de Marioupol avec son épouse Anastasiia et sa fille Viktoriia en juillet 2022. Hébergés par une famille d’accueil dès leur arrivée, celle-ci les a aidés à trouver le logement dans lequel Nikolay et sa famille vivent actuellement.

En Ukraine, Nikolay a travaillé quelques années dans une grande usine, puis a été vendeur en systèmes sanitaires et plombier pendant sept ans. Durant son temps libre, il fait du sport avec sa fille, profite de la nature et se fait à la vie en Suisse. Il nous confie : « Là d’où je viens, l’air était très pollué. Mes séances d’apnée dans le lac et nos balades en famille à la montagne sont de véritables sources d’apaisement. Grâce à l’accueil chaleureux de nos voisins, je me sens chaque jour plus intégré en Suisse… d’ailleurs, je suis même devenu un grand amateur de chocolat !

Le Plan S m’a permis de mieux comprendre les différentes options professionnelles qui s’offraient à moi en Suisse, un système que je ne connaissais pas. J’ai été dirigé vers l’ORP où je perfectionne mon français professionnel. J’y apprends à chercher efficacement un emploi, que ce soit pour rédiger un CV ou une lettre de motivation. Jusqu’à présent, j’ai déjà envoyé une vingtaine de candidatures. Maintenant, je réalise que c’est possible et que j’ai des chances d’y arriver.

Le Plan S m’a ouvert à de nouveaux horizons et guidé dans mes choix. Ceci m’a redonné espoir, bien que le chemin soit encore difficile.

Ce soutien m’a véritablement rempli d’énergie, comme si on rechargeait mes batteries. D’ailleurs, dès le 1er novembre, je commencerai un travail à plein temps en tant qu’installateur sanitaire ! »

Tetiana, collaboratrice Plan S

Tetiana est originaire de Kyïv (Kiev), en Ukraine. En avril 2022, elle est arrivée en Suisse pour offrir un avenir meilleur à sa fille de 4 ans, loin de la guerre.

En Ukraine, elle travaillait depuis dix ans dans l’administration de l’Hôpital militaire national. Dès son arrivée en Suisse, elle s’est inscrite à l’ORP pour trouver du travail. Bien qu’elle parle anglais, elle a vite compris qu’il lui fallait maîtriser le français pour accéder à l’emploi. L’ORP lui a donc proposé des cours de français, un premier pas vers l’intégration.

En janvier 2024, elle a postulé à l’EVAM pour le projet Plan S, où elle a travaillé six mois comme facilitatrice d’intégration :

« Pour moi, il était essentiel de trouver un emploi. À mon arrivée en Suisse, cela n’a pas été simple d’en obtenir un immédiatement, malgré mon diplôme de master obtenu en Ukraine. Le système rend difficile l’accès au marché du travail pour les nouveaux arrivants. C’est pourquoi il était tout aussi important pour moi d’aider des personnes dans la même situation que moi. Mon expérience pouvait être précieuse pour les bénéficiaires du Plan S. En utilisant ma langue maternelle, j’ai pu expliquer aux autres comment naviguer dans ce nouveau système, que ce soit pour la garderie, l’UAPE, et d’autres démarches.

Nous étions comme des ponts entre les bénéficiaires et l’EVAM. Nous leur donnions nos cartes de visite pour qu’ils n’hésitent pas à nous contacter. Ils savaient qu’ils pouvaient nous parler dans leur langue maternelle, ce qui les rassurait.

C’était un vrai plaisir de pouvoir trouver des solutions utiles pour les bénéficiaires. Certains sont très motivés pour commencer à travailler, mais leur niveau de français est encore insuffisant. Un minimum de connaissance de la langue est nécessaire pour décrocher un emploi, signer un contrat, comprendre les questions salariales et échanger avec les collègues. Mon objectif était de leur expliquer le fonctionnement du système. Bien sûr, il existe des exceptions, mais le cadre reste le même.

Nous encourageons les bénéficiaires à entreprendre davantage de démarches par eux-mêmes, afin de leur offrir plus de possibilités. Même si une personne n’agit pas immédiatement, au moins elle dispose des informations nécessaires pour savoir ce qui est possible. Si l’on a un objectif, il est important de savoir quelles étapes suivre pour y parvenir.

J’ai d’ailleurs reçu deux appels de bénéficiaires qui avaient trouvé un emploi, et un autre m’annonçant la signature d’un contrat de stage. »

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